1-POURQUOI CE BOUQUIN ?
A-Mary Shelley a eu une vie de malade.
Dès son adolescence, Mary prend en main son destin : mineure, elle s’enfuit avec un poète marié ( so romantic), qu’elle finira par épouser et dont elle aura plusieurs enfants. Le temps que durera son histoire d’amour, elle côtoiera, à son plus grand bonheur, quelques-uns des plus grands intellectuels de son temps (d’ailleurs, c’est à cette époque qu’elle écrira le cultissime « Frankenstein »).
Mais, tout ce faste ne sera qu’éphémère et plusieurs évènements tragiques vont s’enchainer, provoquant la dégringolade de la jeune Mary. Elle va perdre trois de ses quatre enfants en bas âge, et comme un malheur n’arrive jamais seul, en 1822, à seulement 25 ans, son mari décède : ce veuvage prématuré lui donne la « matière » nécessaire pour commencer un « journal d’affliction ». Elle y consignera régulièrement ses pensées les plus intimes… et les plus déprimantes. Jusqu’en 1844, elle couchera sur le papier sa peine, sa solitude et les trahisons dont elle a été victime. En gros, vous aurez envie de lui filer une corde tout le long du livre, qui est une longue, très longue complainte, d’une des plus grandes écrivaines du 19ème siècle.
Alors pourquoi lire un livre qui transpire autant « la joie de vivre »?
B- J’adore les journaux intimes.
J’ai acheté ce livre dans un obscur rayon de la FNAC, pendant ma pause déjeuner. En effet, la lecture des journaux intimes de gens connus (ou non) a toujours été une passion : cela satisfait encore plus mes tendances voyeuristes, que lorsque je regarde de la télé- réalité.
C’est un peu une « madeleine de Proust » ( que je n’ai absolument jamais lu, faut pas pousser mémé), qui me ramène au temps où je séchais les cours de sport pour lire « L’herbe bleue », « Junk » et « Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée… ». (quand je vous dit que depuis toujours je suis une grosse caillera, je ne vous mens pas).
A ce sujet, il faudrait que je prenne le temps de relire ces trois journaux intimes de jeunes droguées, maintenant que j’ai le double de l’âge auquel je les avais lus à l’époque ( ok j’ai 32 ans). Je ne sais pas si c’est une bonne idée, cela risque de tout gâcher. Vous savez, c’est ce sentiment de déception que l’on ressent lorsqu’on recroise un camarade de primaire et que l’on n’a plus rien en commun, à part de vieux souvenirs. C’est du vécu : en 15 minutes de conversation, un vieux poto de CE2 a réussi à me balancer qu’il adorait Zemmour, j’ai failli défaillir ( dire qu’on avait passé des moments de folies, 25 ans auparavant, à jouer au ballon prisonnier sur la place du village…).
C- C’est l’auteure de « Frankenstein ».
Connaître les pensées les plus intimes d’une nana qui a écrit un monument de la littérature à 18/19 piges, c’est voir ce qu’il se passe dans la tête d’un génie. Ca fait du bien au moral de constater que nous pouvons avoir des points communs avec des individus hors normes : oui, eux aussi ont rencontré des obstacles dans leur vie (obstacles desquels ils ont réussi à triompher, pour créer un truc génial, qui les fera passer à la postérité). Et puis, il faut avouer que j’espère secrètement que leur génie déteigne un peu sur moi, comme par magie.
Evidemment, je vous affirme que « Frankenstein » est un chef-d’œuvre alors que je ne l’ai même pas lu. Mais je vous jure, je compte me rattraper, car je l’ai acheté et qu’il est sur ma liste mentale de bouquins à lire cet été.
Par contre, j’ai dévoré « Les enfants de Frankenstein » ( qui n’a pas été écrit par Mary Shelley) pendant mon adolescence de merde. Il mêle habilement histoire d’amour cul-cul tragique, horreur et tourments existentiels de jeunes étudiants. Pour vous résumer l’histoire, les deux créatures du docteur Frankenstein ont eu deux enfants : l’ainé se suicide, car il se rend compte que ses gênes malades vont le transformer en monstre. Sa petite amie lycéenne va tenter de le ressusciter en suivant les conseils du grand-père, l’authentique docteur Frankenstein (qui est toujours vivant et qui est complètement taré). Ca ne vous donne pas envie de le lire?
D- Le livre est joli.
Je ne vais pas m’étaler sur cet argument à la fois futile et capital. Avouez qu’on achète tous des objets, aliments, produits de beauté parce que le packaging est beau, sans toujours se soucier de ce que cela contient vraiment à l’intérieur ( ah oui, c’est souvent pareil pour les gens aussi).
2- Mon avis.
Maintenant que je vous ai bien saoulé avec des anecdotes qui n’ont pas forcément de rapport direct avec « Que les étoiles contemplent mes larmes » ( à part dans mon esprit tordu), je peux vous dire que je n’arrive pas à savoir si j’ai aimé ou non ce livre. J’ai sûrement dû l’apprécier, puisque je l’ai fini en à peine deux jours et que je profitais du moindre de mes temps libres pour en lire quelques passages. En effet, il y a des aspects qui m’ont beaucoup touchée et aussi d’autres qui m’ont carrément gonflée.
A- Les trucs cools.
-Une vie ponctuée de drames.
L’histoire de Mary Shelley est un vrai roman : torturée et tumultueuse comme on les aime. Elle nait en 1797, dans une famille d’intellectuels, dont les idées sont à contre-courant de celles dominant dans la société anglaise de l’époque ( son père a écrit un traité anarchiste célèbre et sa mère est une théoricienne féministe). Malheureusement pour elle, sa mère meurt en la mettant au monde et son père ne lui sera pas d’un grand soutien, lorsqu’elle s’enfuira à 16 ans, avec le célèbre poète Shelley qui était déjà marié. Suite à cet évènement, on accusera Mary d’avoir provoqué le suicide de sa rivale, la femme de Percy Shelley ( je vous laisse imaginer le sentiment de culpabilité immense qu’elle ressentira toute sa vie).
Cependant, elle baignera dans une atmosphère la stimulant intellectuellement, ce qui lui permettra d’écrire « Frankenstein » alors qu’elle n’a pas encore 20 ans. Malheureusement, elle se retrouvera vite seule et isolée, après la mort tragique de son époux et de la plupart de ses enfants. Il ne lui restera plus qu’un fils, son talent pour l’écriture et ses yeux pour pleurer, car elle paiera jusqu’à la fin de ses jours sa fugue amoureuse de jeunesse, jugée immorale pour l’époque. Elle sera toujours plus au moins mise à l’écart de la haute société anglaise, dont elle crève d’envie de refaire partie. Dommage.
-Une immersion dans la vie culturelle de l’Angleterre du début du 19ème siècle.
Le journal intime de Mary est rempli d’anecdotes sur des personnages extrêmement influents à cette époque. Ce livre donne l’occasion de découvrir ou de redécouvrir des protagonistes ayant joué un rôle de premier plan au 19ème siècle. Les notes qui sont présentes à la fin du bouquin, permettent de donner des informations supplémentaires sur toutes ces personnes. Je vous suggère même de lire toutes ces petites biographies avant de vous attaquer au « journal d’affliction », histoire de vous donner quelques repères.
-Des réflexions touchantes sur les aléas de la vie.
Depuis « Seven », on sait très bien que le péché capital est l’envie. « Il est étrange de me trouver ainsi, à mener une vie parfaitement uniforme et chaque jour un peu plus désespérée, quand je vois des changements incessants modifier constamment celle de tous mes semblables, et des espérances, des perspectives sans cesse renouvelées s’offrir à certains d’entre eux. Accablée de contrariétés de tout ordre, j’aurai les cheveux gris avant le printemps si cette situation persiste ». Comme je la comprends!
Voici pour toi public, d’autres pensées de Mary Shelley, qui ont eu une résonnance à l’intérieur de mon petit cœur :
« Ce n’est pas aimer que d’être aimée de ceux dont on ne se soucie pas ».
« En terrain propice, pourvu que l’on se donne la peine de me mettre en confiance, je peux me montrer d’agréable compagnie et l’on m’assure alors que je suis faite pour briller dans ce monde. Mais bientôt, mon horizon s’assombrit, la présence de ceux qui n’ont pour moi ni affection ni considération me glace, et je perds tous mes moyens; leur mépris n’a donc rien d’étonnant ». L’enfer c’est les autres ma grande!
B-Les moments relous.
-Une longue complainte : « Que ne puis-je mourir! »
Dans son journal, Mary passe vraiment son temps à se plaindre et cela peut être vraiment lourd à la longue. En même temps, on se doute bien en lisant le titre « Que les étoiles contemplent mes larmes. Journal d’affliction », qu’on ne va pas lire l’histoire d’une nana pour qui c’est la fête du slip. Là-dessus, il n’y a pas d’arnaque sur la marchandise. Ce sont bien les pensées d’une femme au bout du rouleau, qui se force à rester en vie pour élever son fils.
Le résumé présent en quatrième de couverture nous promet « une œuvre bouleversante, élégiaque et exaltée ». En terme d’exaltation, vous allez en avoir pour votre pognon. Il est vrai que je n’ai pas été fan de ce style d’écriture, archi lyrique, surtout lorsqu’elle se rappelle son ancien mari. C’est horrible parce que l’on se rend compte en avançant dans l’ouvrage, qu’elle passe sont temps à pleurer un mec qui l’a trompé et qu’elle idéalise la relation qui les liait. Mais bon, « l’amour a ses raisons que la raison ignore ». Miskine.
-Mary Shelley ou la pauvre en carton : « Mieux vaut être bête comme chou qu’être sans le sou ».
Tout au long de son ouvrage, elle se plaint de sa situation financière. A mon avis, cela me parait complètement indécent de se qualifier de pauvre, quand on connaît les conditions de vie des véritables nécessiteux de l’Angleterre du 19ème siècle. Extraits choisis :
« La solitude, le désenchantement, et la mélancolie qui en résulte inévitablement m’éprouvent cruellement-cela nuit même à ma santé à la longue. Quelle étrange vie que la mienne; elle démontre clairement que la pauvreté, dans notre pays, équivaut aux barreaux d’une prison ».
« J’ai connu auparavant plus profonde solitude encore, mais jamais je n’en avais eu si douloureusement conscience qu’aujourd’hui. Il me semble que tous m’ont abandonnée, que je suis seule au monde, proscrite-en butte à la pauvreté et à l’indifférence ».
Comme on est tous le con de quelqu’un, on peu aussi dire que nous sommes tous le fauché de quelqu’un d’autre. Donc oui, elle était défavorisée par rapport aux grands de ce monde, dont elle voulait tant faire partie (un peu comme tout le monde en fait). Mais sérieusement Mary, est-ce que les pauvres pouvaient assister au couronnement de Guillaume IV depuis la loge « la mieux située de toute l’abbaye »? La réponse est non, alors arrête de chialer.
Une dernière citation pour la route : « Si je n’ai jamais pris la plume pour plaider la Cause des Femmes, je n’en ai pas moins secouru celles qui étaient opprimées sans me soucier des risques encourus. J’ai toujours défendu et soutenu les victimes de l’ordre social, sans pour autant en tirer gloire ». GIRL POWER MA GUEULE!
C’est ici que je vous quitte!