Cinéma, Culture

COME AS YOU ARE ou comment essayer de « dépédaliser » des adolescents.

A la base, j’y suis allée sans trop savoir à quoi m’attendre. Je n’ai pas regardé la bande annonce pour me laisser la surprise (des fois je fais ça, de toute façon je m’en fous, j’ai une carte de cinéma illimitée). Ce qui m’a attirée, c’est tout d’abord le nom du film (spéciale dédicace à Nirvana), mais également le fait qu’il y ait l’actrice Sasha Lane, la révélation du film « American Honey ». À ce propos, je vous conseille aussi d’aller le voir, si ce n’est pas déjà fait.

De quoi ça parle ?

Lors du bal de promo, Cameron se fait surprendre en pleine action avec une autre fille. Pour « l’aider », sa famille l’envoie dans un centre religieux, où d’autres jeunes doivent eux aussi « guérir de leur homosexualité ».

Pourquoi il faut aller le voir ?

Avec toutes les conneries qu’on entend régulièrement sur l’homosexualité, ce film est d’utilité publique. J’ai lu certaines critiques qui disaient que l’histoire n’allait pas assez loin dans le militantisme et que la façon dont était traité le sujet était trop simpliste. Il est vrai que l’on peut toujours faire mieux dans la vie, mais ce n’est pas du tout mon ressenti. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’intrigue, un grand nombre de clichés sur l’homosexualité sont habilement démontés. Rien que cela, c’est déjà un grand pas. En effet, ces idées reçues, bien ancrées dans l’inconscient collectif, participent largement au maintien des inégalités entre les différentes orientations sexuelles (c’est mon opinion).

Attention spoiler : Dans ce film, nous suivons des jeunes envoyés dans un centre par leurs parents. Ce lieu est tenu par une psy, qui s’est donnée pour mission de traiter l’homosexualité de la même façon qu’un trouble du comportement. Les dialogues, la mise en scène et le jeu des acteurs sonnent justes : le réalisateur arrive sans en faire des caisses, à nous faire ressentir le ridicule de la situation. Non, l’homosexualité n’est pas quelque chose que l’on peut décider d’abandonner du jour au lendemain, comme on arrêterait la clope. Par contre, on peut l’étouffer et la dissimuler pour devenir « l’hétérosexuel »  que la société attend. Le résultat est catastrophique : on voit clairement dans cette fiction, que les personnages ayant adopté cette stratégie sont profondément malheureux.

Comment niquer un cliché avec un iceberg dément ?

Pour moi, la clef de « Come as you are » est l’iceberg. Vous devez trouver cela bizarre si vous n’avez pas vu le film. Je m’explique. En fait, chaque jeune de ce centre est obligé d’en dessiner un, pour schématiser son « problème ». La partie visible représente l’homosexualité. Homosexualité qui serait  provoquée par des comportements ou des évènements passés qui  eux, figurent sur la face cachée. Ce sont sur ces éléments que les adolescents vont travailler pour éradiquer le gay ou la lesbienne qui sommeille en eux. LOL. J’espère que je suis claire.

Pêle-mêle, on peut trouver dans la partie immergée de l’iceberg, des absurdités telles que :

-La pratique excessive de certains sports pourrait « transformer » en homo. Les filles s’adonnant à des activités physiques où les mecs sont majoritaires (genre le football, histoire d’être à fond dans le cliché) augmentent leurs chances de succomber à des amours saphiques. C’est la même chose du côté des garçons, qui devraient prendre garde à ne pas trop s’enthousiasmer pour de la danse classique ou du patinage artistique. Rassurez-vous, il existe dans leur monde des sports qualifiés de « neutres » comme la randonnée. Tout va bien.

-Certaines activités du quotidien sont aussi « à risques ». Les garçons qui passent trop de temps avec leur mère, à regarder des feuilletons à l’eau de rose et à faire de la couture sont « des victimes potentielles ». En ce qui concerne les filles, elles devraient veiller à ne pas regarder trop de matchs de rugby à la télévision avec leur père. En résumé, les parents doivent vraiment faire gaffe aux loisirs qu’ils partagent ou non avec leurs enfants, car ils peuvent se rendre responsables du basculement de leur progéniture vers le côté obscur de la force.

-Un modèle familial éloigné de la famille nucléaire traditionnelle ou pire, qui présente des dysfonctionnements (divorce, adoption, maltraitance, décès d’un ou des parents, père/mère absent…) peut être à l’origine d’une attirance pour le sexe opposé. C’est bien connu que tous les gens  élevés par un parent unique ou qui ont souffert de carences éducatives et/ou affectives sont homosexuels. Un grand classique qu’on  a que trop entendu.

-Enfin, Parents, ne tentez pas le diable : évitez les prénoms mixtes pour vos enfants. Cela peut troubler leur identité sexuelle. Dans le film, l’héroïne s’appelle Cameron et elle utilise logiquement « Cam » comme diminutif. Dans le but de réussir « sa thérapie », la psy lui conseille de ne plus se servir de son surnom. Son prénom étant assez masculin comme ça, ce n’est pas la peine d’en rajouter. Ambiance ambiance.

Vous remarquerez que je n’ai pas classé ces arguments par ordre de débilité, tellement ils méritaient tous la première place du podium.

Le voilà, ce bâtard… C’est aussi à cause de lui que Jack est mort…

« Le rose, c’est pour les filles » : la socialisation nous impose ce qui est acceptable selon notre sexe.

Je vous lâche le scoop de l’année : notre orientation sexuelle ne se devine pas à notre dégaine ou en fonction de nos activités. « Come as you are » nous explique simplement le fonctionnement de ce système de pensée, pour mieux le démonter, le décrédibiliser voir le ridiculiser par la suite. Je trouve cela important car encore de nos jours, certains affirment que notre sexe biologique détermine nos inclinaisons, nos goûts, nos valeurs, notre sexualité, nos choix, bref notre destinée. C’est malheureusement cette croyance qui est à l’origine de bien des inégalités (entre les différentes sexualités mais aussi entre les hommes et les femmes).

Effectivement, pendant notre enfance, la société (parents, école, média) nous apprend notre appartenance au sexe masculin ou féminin et nous intériorisons de façon inconsciente des rôles et des valeurs qui s’y rattachent. En gros, les filles sont plus consciencieuses, aiment les princesses tandis que les garçons ne doivent pas pleurer et jouer au ballon. Je grossis le trait mais c’est de cela dont il est question. Les enfants étant « de véritables éponges », ils intègrent très vite ce que l’on attend d’eux. Toute dérogation à ces règles est pointée du doigt. Effectivement, ce qui se joue réellement là-dedans, c’est l’orientation sexuelle. Il ne faudrait pas que les petites filles refusent de porter des robes et se désintéressent  de leur apparence, sinon elles pourraient se découvrir lesbiennes en grandissant. Ridicule…

Je suis bien placée pour le savoir, car j’ai longtemps bossé en maternelle comme prof, et je vous assure d’une chose : les garçons adorent jouer à la poupée, au grand étonnement (voir désespoir) de certains parents. Lorsqu’ils s’en apercevaient, je devais leur expliquer que tout était normal, étant donné que l’une des activités principales des mioches est d’imiter les adultes. Par conséquent, les petits singent les grandes personnes qui font le ménage, la cuisine et qui s’occupent de leur bébé. Ce sont même les garçons  qui se battent le plus… pour avoir la garde exclusive d’un pauvre poupon en plastique (tellement ils se vengent de ne pas en avoir à la maison). Mon petit discours ne rassurait les parents qu’à moitié, puisque la question sous-jacente à cela était : mon fils va-t-il devenir homo parce qu’il s’est amusé avec un faux nourrisson ? Évidemment que non. Et si cela arrivait, où est le problème bolosse ?

Moi-même, en tant qu’enseignante, je dois faire attention tous les jours, à ne pas tenir des discours qui accentuent ces stéréotypes. Ce n’est pas faute d’être consciente de tous ces pièges, mais il se trouve que j’ai grandi dans ce système, qui règlemente insidieusement ce que peuvent faire les hommes et les femmes. Que je le veuille ou non, j’en suis imprégnée et c’est un véritable travail de s’en détacher. Pourtant, cette remise en question est nécessaire, si nous voulons avancer vers le chemin de l’égalité (c’est beau).

 Oui, un garçon doit soigner son écriture et la propreté de ses cahiers, autant que s’il s’agissait d’une fille.

Non, être méticuleux et ordonné ne sont pas des qualités propres aux filles.

Évidemment la liste est longue, on pourrait en parler pendant des heures.

Pour conclure, je dirai que « Come as you are » est le genre de film, qui peut aider des jeunes et des moins jeunes à s’assumer tels qu’ils sont. Effectivement, de nos jours, c’est toujours difficile de révéler son orientation sexuelle (autre que l’hétérosexualité) à la face du monde, sans redouter de se prendre des tomates à la gueule. Par conséquent, je trouve indispensable que l’on traite de TOUTES les sexualités dans l’art et dans les médias, pour continuer à faire bouger les choses. Bref, en sortant de ce film, vous aurez encore plus envie de vivre votre vie comme vous l’entendez, d’être tolérant et de laisser les gens aimer qui ils veulent et de la façon qui leur convient.

C’est ici que je vous quitte !

Bisous!

 

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